L’entreprise individuelle était une solution utilisée par les entrepreneurs individuels pour contourner la création de sociétés jusqu’en 2010. Ce régime juridique était incommode en ce sens qu’il engageait le chef d’entreprise dans ses biens propres. Mais depuis 2011, cette question a été réglée à travers la création du statut juridique d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée (EIRL) qui est intégré désormais au Code du commerce. Ce statut juridique offre la possibilité de séparation des biens personnels et professionnels. C’est un bon début, mais cette caractéristique seule ne suffit pas pour rendre ce statut appréciable.
Les avancées significatives apportées par l’EIRL
L’EIRL dispose de divers atouts par rapport aux autres statuts juridiques d’entreprises, qui anticipent d’autres formes de protection et offre d’autres atouts. Il s’agit de :
La protection du patrimoine personnel
La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 dispose que « Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale ». C’est un progrès significatif apporté par le statut d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée : dans cette forme d’entreprise, le chef d’entreprise et son conjoint ne peuvent plus être poursuivis dans leur bien personnels comme il s’agissait du cas pour la simple Entreprise individuelle. Pour profiter pleinement de ce régime, une déclaration des biens matériels et immatériels affectés à l’activité professionnelle est nécessaire. Le Centre de Formalités des Entreprises (CFE) est l’instance qui accueille cette déclaration d’affectation du patrimoine.
Une création quasiment sans frais
La création de l’EIRL n’est pas du tout onéreuse comparativement à la création d’une société. Dans ce cas de figure, les frais d’annonce pour le journal officiel sont inexistants. Vous avez juste à payer les frais de greffe et la TVA, qui s’élèvent à 53 €. À titre d’ illustration, pour l’installation d’une EURL, vous devez dépenser entre 300 € et 1900 € HT (hors taxes). Le fossé est énorme. C’est pour cette raison que les entrepreneurs sont attirés par ce statut dans l’hexagone.
Une cessation d’activité gratuite
Au cas où le projet aurait mal tourné et que la fermeture de l’EIRL s’impose à vous, vous n’aurez rien à débourser. Ce qui n’est pas le cas au niveau des SASU et autres SARL où la fermeture engage des frais parfois élevés. Par contre, le coût de fermeture d’une société classique englobant, les frais de publicité au journal d’annonce légale, les frais de greffe et l’enregistrement aux impôts peuvent aller jusqu’à 1000 € ! Il faut donc bien réfléchir pour entrer dans la création d’une société classique.
Une des particularités de l’EIRL est l’existence d’un associé unique. L’entrepreneur prend seul les décisions en l’absence d’associé. L’assemblée générale annuelle ainsi que les PV sont inexistants.
Vous choisissez le régime d’imposition qui vous plaît
Dans le cas de l’Entreprise individuelle, le seul impôt reconnu est celui de l’Impôt sur le revenu. Au niveau de l’EIRL, le choix reste possible entre le régime de l’impôt sur le revenu et le régime de l’impôt sur les sociétés. En optant pour l’impôt sur les sociétés, vous obtenez la possibilité d’être imposé uniquement sur les rémunérations réelles dans le paiement des cotisations sociales. Ce régime vous permet également de procéder à une déduction des bénéfices réinvestis au niveau de vos charges sociales. Ce qui n’est pas le cas au niveau de l’Entreprise individuelle, où le chef d’entreprise paie les charges sociales sur l’ensemble de son bénéfice.
La possibilité d’association au statut d’auto-entrepreneur
L’EIRL offre la possibilité de jumelage au régime d’auto-entrepreneur. En cas de défaillance, l’auto-entrepreneur cumulant avec le statut de l’entreprise individuelle, subit la principale contrainte de ce statut qui est la poursuite au niveau de son patrimoine personnel. Par contre en choisissant le régime d’Auto -Entrepreneur à Responsabilité Limitée (AERL), le chef d‘entreprise n’expose plus son patrimoine personnel en cas de déficit. Il couvre son patrimoine par une simple déclaration d’affectation du patrimoine. Il bénéficie en même temps des atouts liés au statut d’auto-entrepreneur. Dans ce cas seul, le chiffre d’affaires réellement dégagé est soumis au calcul des charges.
La transformation de l’Entreprise individuelle en EIRL
Il existe une possibilité légale de transformer l’entreprise individuelle en EIRL depuis le 15 juin 2010. La loi portant sur la création du statut EIRL offre l’opportunité d’une transformation de l’EI vers l’EIRL pour pouvoir profiter de ses atouts considérables. Avec près de 1,4 million d’entreprises individuelles dans l’hexagone, beaucoup grandiront forcément et profiteront de l’ opportunité de changement de ce statut. À signaler qu’il est tout de même important de notifier sa déclaration d’affectation de patrimoine.
Le statut d’EIRL comporte certaines difficultés
L’EIRL et un régime très attractif, mais qui peut comporter quelques difficultés au niveau de sa mise en œuvre qui atténue un peu la qualité de ce statut :
Ce statut exige la création d’un compte bancaire professionnel
Cela peut paraître banal, mail il est absolument nécessaire de disposer d’un compte bancaire professionnel pour l’installation d’une EIRL. En aucun cas, vous ne pouvez utiliser votre compte bancaire personnel pour développer de telles activités. Le faire remettrait bien évidemment en cause le principe vital de séparation du patrimoine personnel et professionnel qui est le pilier même de ce régime.
Une démarcation nette entre les biens personnels et professionnels
Ce qui fait la force du régime de l’EIRL, c’est son aptitude à couvrir le patrimoine personnel de tout danger de saisie même en cas de difficulté. Il est important de ne pas faire d’amalgame et de bien dissocier le patrimoine personnel de celui qui est lié à l’activité professionnelle. En omettant de déclarer certains biens, mais qui vous sont pour autant utiles dans l’exercice de votre activité, vous pouvez tout simplement perdre ce statut et être déchu de celui-ci. Alors, prenez garde en séparant les biens.
Introduisez des biens personnels pour éviter le pire
Un autre inconvénient de ce statut est que le chef d’entreprise ne peut enlever de sa liste du patrimoine des biens dont il aura besoin pour fonctionner, mais qu’il ne juge pas nécessaire d’intégrer dans la liste de sa déclaration d’affectation. Dans un cas de litige, la justice pourrait juger autrement de la pertinence de vos choix auquel cas, vous pourriez perdre l’atout de la responsabilité limitée.
Donc au moment de la déclaration d’affectation du patrimoine il est prépondérant d’agir sur le caractère utilitaire et non sur l’aspect nécessaire de l’objet dans le cadre de cette activité professionnelle. Ce choix pousse donc forcément l’entrepreneur, à souvent engager ses biens personnels utiles pour éviter de perdre la jouissance de ce statut.
Une bonne évaluation de ses biens
La séparation des biens est une première étape. Ensuite, il faut passer à l’évaluation des biens intégrés dans la déclaration d’affectation. L’entrepreneur est la personne la mieux indiquée pour accomplir cette tâche qui n’est pas sans risques. En cas de fausse estimation ou d’évaluation tronquée, vous pouvez être poursuivi sur la différence entre la vraie valeur et celle déclarée. Pour des biens excédant 30 000 €, un expert est commis d’office pour évaluer le bien. Il peut s’agir d’un commissaire aux comptes ou encore d’un expert-comptable. En général, les notaires sont commis pour l’évaluation de biens immobiliers.
Des dispositions comptables très strictes
En matière d’entreprise individuelle, il faut disposer de la tenue régulière des comptes annuels, mais celui-ci ne fait pas obligation de dépôt. Pour l’EIRL, cette procédure n’est pas de mise. La loi exige à l’entrepreneur une tenue des comptes rigoureuse, mais également le dépôt dans un délai de 6 mois après la fin de l’exercice. La présentation des comptes sociaux annuels doit se faire auprès du greffe du tribunal. Ce dépôt peut également se faire le cas échéant au niveau du répertoire des métiers ou du registre du commerce et des sociétés. Les biens inclus dans la déclaration d’affectation qui se déprécient devront faire objet de déclaration annuelle au bilan, puisque le niveau de garantie baisse.
Absence de transparence de l’EIRL
Beaucoup d’entreprises n’exposent pas leurs comptes. En revanche, la publication des comptes exigée aux EIRL entraîne forcément un manque de clarté sur les conditions réelles de l’entreprise. Une manière de camoufler pour donner du fil à retordre à la concurrence, ou même à démoraliser les nouveaux entrants dans le secteur aux vues de la situation financière de l’EIRL.
Des frais dissimulés
La déclaration d’affectation du patrimoine, pour être mise en œuvre, exige des normes à respecter qui peuvent paraître difficiles à appliquer. Pour ne pas se soustraire à ce processus et valider cette étape, il faut parfois dépenser de l’argent. En effet, l’expertise à un coût qui ne dit pas son nom. Les notaires et les experts comptables évalueront vos biens moyennant une rémunération. Plus les biens ont de la valeur, plus le coût est élevé. Le respect des normes comptable pourrait contraindre le notaire ou le commissaire au compte à être assisté d’un expert-comptable. La notion de gratuité de création d’une EIRL est donc très relative.
Difficultés d’accès au prêt à cause de la responsabilité limitée
En réalité, le fait que vous ne puissiez pas être poursuivi dans votre patrimoine rend les banques plus réticentes, car elles craignent de ne pas rentrer dans leurs fonds en cas de problème. Ce qui limite donc la capacité d’emprunt des entrepreneurs.
Pour obtenir un prêt, l’entrepreneur d’une EIRL est parfois obligé d’engager sa caution personnelle. C’est un moyen de soutenir la garantie lorsque le patrimoine de l’EIRL n’est pas consistant. Ceci constitue donc un obstacle pour l’évolution de l’entreprise.
Manque de pourvoyeur de fonds
Ce statut est particulièrement attractif en matière de gestion puisque vous prenez des décisions unilatérales. En revanche, vous ne disposez pas de partenaires qui peuvent vous porter un coup de main en cas de difficultés financières. Si on ajoute la difficulté de prêt sans engager sa caution personnelle, cela fait beaucoup. En matière d’EIRL l’accessibilité aux financements est compromise et la gestion des difficultés se vit seul.
Les blocages du statut juridique de l’EIRL
Pour étendre ses activités et accroître le développement de son activité, la mutation vers un autre statut peut s’avérer nécessaire. Cette banale opération, qui, en général, ne coûte pas grand-chose peut s’avérer, dans le cas d’une EIRL, contraignante et demander des dépenses exorbitantes.
En réalité, les démarches administratives exagérées peuvent vous ramener au point de départ. Vous pouvez également être imposé sur les moins-values et les plus-values générées par votre entreprise. Pour éviter des dépenses inutiles, il vaut mieux choisir lors de la création entre l’EIRL et les autres formes juridiques classiques (SASU, SARL) ce qui correspond le mieux à votre vision et à vos activités.
Le choix du régime EIRL
Il est important de se demander dans quel cas opter pour le statut d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée. Cette option attire beaucoup d’entrepreneurs pour la protection du patrimoine qu’elle vous offre, mais ce choix peut parfois être amoindri par les faiblesses que comporte ce dispositif.
Les entrepreneurs doivent donc faire attention et analyser où se trouvent leurs intérêts avant de s’engager. Ce régime n’est pas forcément idéal pour toutes les activités. Mais dans quel cas faut-il choisir ce régime ?
Lorsque votre patrimoine personnel est important
L’EIRL est un choix pertinent pour un entrepreneur qui dispose de biens importants et cherche à se protéger en cas de défaillance. Cette personne ne veut pas prendre le risque de perdre ses biens et d’engager sa famille sur un terrain glissant. Votre statut matrimonial peut emporter votre conjoint dans l’affaire au cas où les choses ne marcheraient pas.
Lorsqu’il s’agit d’une activité commerciale
L’activité commerciale demande plus d’engagements financiers que les activités de services et peut vous amener à vous endetter pour constituer des stocks ou pour faire fonctionner la boite. Il est donc important de vous protéger en choisissant l’EIRL.
Lorsque les profits après salaires sont inférieurs à 38 120 €
Lorsque vos bénéfices après déduction des salaires n’atteignent pas 38 120 €, le choix l’EIRL peut s’avérer judicieux pour profiter du taux réduit de 15 % sur l’impôt sur les sociétés.
Pour l’entrepreneur d’une EIRL, l’accès au prêt est difficile sauf s’il engage sa caution personnelle. En vérité, l’EIRL est intéressante en ce sens qu’elle fait la démarcation du patrimoine pour vous mettre à l’abri des problèmes. Le choix de l’EIRL peut être intéressant si vous arrivez à dégager assez de profit ou que l’entrepreneur dispose lui-même d’assez de fonds pour financer seul son projet.